ARTICLE LE MONDE 2017 Macron : pourquoi son patrimoine suscite des questions Le patrimoine du candidat fait l’objet d’interrogations, mais la HATVP et le parquet ont indiqué fin mars qu’aucun élément ne justifiait l’ouverture d’une enquête. Par Adrien Sénécat Publié le 17 février 2017 à 12h25 - Mis à jour le 31 mars 2017 à 09h47 Temps de Lecture 6 min. Partage A son entrée au gouvernement, en août 2014, Emmanuel Macron avait dû faire une déclaration officielle de ses revenus et de son patrimoine auprès de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique (HATVP). Depuis quelques mois, des sites Internet reprennent ces déclarations pour souligner ce qu’ils estiment être un décalage entre les revenus déclarés et le patrimoine et s’interroger sur ce que cela pourrait signifier. Mais si le candidat n’y a pas répondu, on ne peut pas en tirer de conclusion en l’état. Explications. CE QUE CONTIENNENT LES DÉCLARATIONS DE M. MACRON 1. Ses revenus Voici les éléments figurant dans la déclaration d’intérêts d’Emmanuel Macron auprès de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique (HATVP), signée le 24 octobre 2014 (visible en cache ici), qui récapitulent les revenus imposables de l’intéressé pour la période précédant son entrée au gouvernement : directeur, puis gérant et enfin associé gérant à la banque Rothschild & Cie, de 2009 à 2012 : 2 885 000 euros environ ; de mai 2012 à juillet 2014, secrétaire général adjoint à la présidence de la République : 370 000 euros environ. M. Macron a donc cumulé environ 3,3 millions d’euros de revenus, avant impôts, de 2009 à son entrée au gouvernement, à l’été 2014. 2. Ses biens Voici les éléments figurant dans la déclaration de patrimoine signée par Emmanuel Macron le 24 octobre 2014 (visible en cache ici) : un appartement de 83 m2 à Paris avec terrasse et parking, acquis en juin 2007 pour une valeur de 890 000 euros (auxquels il ajoute 70 000 euros de travaux) ; des placements pour un montant d’environ 74 000 euros ; deux assurances-vie, la première d’une valeur de 86 344,84 euros et la seconde correspondant à un capital assuré de 500 000 euros « partiellement délégué en garantie du prêt personnel » et « non rachetable » ; Différents comptes bancaires pour un montant d’environ 109 000 euros ; Enfin, un véhicule Volkswagen acheté, en 2005, pour 40 000 euros et évalué à 6 000 euros neuf ans plus tard. A cette date, le patrimoine s’établissait donc à environ 1,2 million d’euros. 3. Ses prêts immobiliers M. Macron a également déclaré avoir contracté trois prêts : un prêt de 350 000 euros en 2011 au Crédit mutuel pour des travaux de résidence secondaire, dont 295 000 euros qui restaient à rembourser et des mensualités de 2 424,30 euros ; un prêt de 600 000 euros en 2012 au Crédit mutuel pour refinancer son prêt d’achat de résidence principale, dont 558 577,53 euros encore à rembourser et des mensualités de 3 623,34 euros ; un « prêt personnel entre particuliers » de 550 000 euros en 2007, dont 200 000 euros encore à rembourser (100 000 en 2017, 100 000 en 2022, auxquels s’ajoutent des intérêts). Emmanuel Macron a précisé à L’Express que ce prêteur était son « mentor », Henry Hermand, un chef d’entreprise proche de la « deuxième gauche » de Michel Rocard, mort en novembre 2016. A l’automne 2014, l’endettement de M. Macron atteignait donc environ 1 million d’euros. CE QU’IL FAUDRAIT SAVOIR POUR RÉPONDRE AUX INTERROGATIONS La question soulevée par les rumeurs qui circulent en ligne à partir de ces différents chiffres est celle-ci : comment, compte tenu des revenus de la période 2009-2014, M. Macron ne dispose-t-il pas d’un patrimoine plus important ? Pour y répondre, il faudrait toutefois disposer d’éléments supplémentaires sur lesquels la loi sur la transparence n’impose aucune obligation de communication publique. 1. Le travail très circonscrit de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique Les déclarations à la HATVP doivent contenir les déclarations de patrimoine (biens immobilier, comptes en banques, emprunts, dettes en cours…) et les liens d’intérêts (activités professionnelles, actions détenues, activités bénévoles…). Contactée, la HATVP rappelle que son travail consiste à vérifier que les différentes déclarations sont « exactes, exhaustives et sincères ». Cette dernière peut faire des observations sur les déclarations dans le cadre de possibles anomalies, comme elle l’a fait dans le cas de Jean-Marie Le Guen par exemple, mais pas dans celui d’Emmanuel Macron. La Haute Autorité précise également que son travail « n’est pas celui de l’administration fiscale » et qu’elle a accès aux déclarations d’intérêts, pas aux déclarations de revenus des personnalités contrôlées. La manière dont un responsable politique dépense son argent n’est, par exemple, pas de son ressort. 2. Aucune obligation de communiquer le montant des impôts acquittés ou des dépenses personnelles Les éléments communiqués à la HATVP ne permettent pas de donner une analyse complète de la situation financière de M. Macron pour la période concernée. Il faudrait par exemple savoir si l’intéressé a remboursé d’autres emprunts durant cette période, qu’il n’aurait pas eu à mentionner dans ses déclarations en 2014 car ils n’auraient plus été en cours à cette date. Il faudrait également connaître le montant des impôts qu’il a payés sur cette période. De même que l’ampleur de ses dépenses courantes. Sur le plan légal, l’intéressé n’a pas l’obligation de communiquer tous ces éléments qui permettraient de comprendre sa situation et de répondre aux soupçons relayés sur les réseaux sociaux. En l’état les inconnues sont trop nombreuses pour affirmer quoi que ce soit, et notamment qu’il y aurait quelque chose de suspect. CE QUE DIT EMMANUEL MACRON Sylvain Fort, un des porte-parole d’Emmanuel Macron, a assuré au JDD dimanche 12 février : « Son patrimoine a déjà été passé aux rayons X, mais, s’il reste des zones d’ombre, nous sommes prêts à les éclairer. » Nous avons donc sollicité M. Macron pour lui poser ces questions. Nous lui avons notamment demandé : s’il confirmait ou contestait ce présumé décalage entre ses revenus déclarés et son patrimoine ; s’il souhaitait fournir des informations supplémentaires sur les dépenses qui pourraient expliquer cet écart ; s’il était prêt à nous communiquer ses avis d’imposition depuis 2009, comme l’ont fait plusieurs candidats à l’élection par le passé, notamment auprès de L’Express en 2007. Sollicité à plusieurs reprises depuis lundi 13 février, l’équipe de M. Macron n’a pas répondu à nos questions pour l’heure. Ses réponses seront ajoutées à notre article le cas échéant. Le candidat a néanmoins répondu à une partie de ces interrogations dans le JDD dimanche 19 février. Selon lui, les 2,8 millions d’euros empochés chez Rothschild représentent 1,5 million d’euros après « charges sociales et impôts ». Ses gains auraient été utilisés pour couvrir ses dépenses personnelles, des travaux dans la maison du Touquet, rembourser un « prêt familial de 50 000 euros » et commencer à rembourser ses autres emprunts, dont celui contracté auprès d’Henry Hermand. Son porte-parole Sylvain Fort reconnaît néanmoins que « pendant les années Rothschild, Emmanuel Macron a adapté son train de vie à ses revenus et il a donc pas mal dépensé ». CE QU’EN DISENT LA HATVP ET LE PARQUET Saisie par l’association Anticor le 13 mars 2017, la HATVP a répondu avoir effectué les différents contrôles prévus par la loi et que ces derniers « n’ont révélé aucun élément de nature à remettre en cause le caractère exhaustif, exact et sincère de la déclaration de M. Emmanuel Macron ». Le procureur de la République de Paris François Molins a quant à lui répondu au courrier de trois personnalités politiques de l’Est de la France (Paul Mumbach, Jean-Philippe Allenbach et Serge Grass) qui demandaient l’ouverture d’une enquête. Selon lui aucun élément connu à date n’est « de nature à justifier l’ouverture d’une enquête ». Il y rappelle également les contrôles dont Emmanuel Macron a déjà fait l’objet. Mise à jour lundi 20 février à 9 heures : ajout de précisions d’Emmanuel Macron au JDD. Mise à jour vendredi 17 février à 17 heures : les noms des sites qui ont véhiculé des rumeurs et théories non vérifiées sur le sujet, ainsi que leurs écrits, ont été retirés de cet article. Mise à jour vendredi 31 mars à 9 heures : ajout des explications de la HATVP et du procureur François Molins.